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lundi 25 décembre 2017

Rencontre avec les animaux en folie de l'atelier d'écriture à distance "Un mois entre nous"

Chères lectrices, chers lecteurs  fidèles et fervents soutiens à la création et l'invention !

Voici que s'achève le projet d'atelier à distance Animaux en folie/ Un mois entre nous. Un grand merci et surtout, félicitations ! à celles et ceux qui ont relevé le pari de me suivre dans cette toute première aventure dédiée à l'inspiration et à la création littéraire (et graphique !) 

Je rappelle la proposition qui a clos cette dernière semaine : Encore un peu de prosopopée ? Non, ce sera de l'éthopée, merci ! Les participants-tes avaient le choix entre deux sujets que voici :

a - Livrez-nous le portrait (psychologique, physique ou comportemental) singulier, drôle, ennuyeux...de cet animal qui vous inspire, vous émeut, vous amuse, vous ennuie, vous terrifie, vous fascine.
b - Choisissez un animal qui vous inspire et inventez l'histoire émouvante de votre rencontre.


 Une semaine de Bonté,
©  Marx Ernst, 1933
 
Que fallait-il faire ici ? Chacun-e a été invité-e à écrire un texte qui pouvait faire appel par exemple, à la description - psychologique et/ ou comportementale - au décentrement et/ ou au dialogue - intérieur ou entre plusieurs protagonistes - mis en avant grâce aux exercices précédents.  Deux extraits de textes littéraires appartenant à mon corpus personnel furent donnés en soutien à la réflexion et la recherche : Le chien qui a vu Dieu de Dino Buzzati (1) et La mule du Pape d'Alphonse Daudet (2). 


Le sous-entendu de cette dernière proposition ? Inviter les écrivants-tes à puiser dans ce qui a déjà été fait, donner aux uns-es comme aux autres l'envie de poursuivre leur dialogue - personnel et original - avec leurs animaux, au-delà de l'atelier.

Il y aura donc ici du rêve (Joëlle), des questionnements existentiels (Lei N'Karna), une renaissance bienvenue (Christine), du mystère et de la magie (Léa), de la violence et des envies de revanche (Thomas).

Bonne lecture !  
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Thomas/ Le Malaimé

Je me réveille ce matin dans l’odeur rance de mon humain. Il s’est une fois de plus effondré dans son vomi hier soir en oubliant de remettre des croquettes dans mon assiette.  Pour lui faire comprendre qui est le patron ici, je lui laisse un beau petit cadeau dans son bol de céréales. De toute façon, il est tellement abruti qu’il ne se rendra sûrement compte de rien. Lui et ses comparses, avec leur manie de se raser le crâne et de braire comme des ânes devant les matchs de foot à la télé, ont beau me vénérer, j’en ai vraiment ras les moustaches de partager mon territoire avec eux. C’est décidé, puisqu’il n’y a pas moyens de les faire partir, c’est moi qui me casse. 

Dehors, la douceur matinale me rend tout de suite plus serein, j’aime ces petits instants à moi où j’ai l’impression d’être seul au monde… Mais très vite mon ventre me rappelle à l’ordre, il faut que je me mette quelque chose sous les crocs au plus vite. Le chant d’un canari m’attire du côté d’un bâtiment où est regroupé un groupe d’humains barbus avec des bols sur la tête. Interloqué par cet étrange rituel, je me pose sur le trottoir d’en face pour mieux les observer. 


Soudain, l’un d’eux me repère et se met à faire de grands gestes et à pousser de grands cris. Alertés, les autres se saisissent de pierres et commencent à les envoyer dans ma direction. Paniqué, je m’enfuis à toutes pattes me demandant ce que j’ai bien pu faire pour provoquer une telle ire. Malheureusement pour moi, mes poursuivants n’ont pas l’intention de lâcher l’affaire, et ce sont maintenant des bouteilles qui volent au-dessus de ma tête. Connaissant mal ce quartier, je finis par me retrouver acculé dans une impasse sans échappatoire possible. Les hurlements de mes assaillants vrillent mes oreilles et les jets de pierres se font de plus en plus précis. (Ici, il m’est pénible de vous décrire la violence de la scène, tout ce que je peux vous dire c'est que notre héros, aussi vaillant soit-il, se retrouve vaincu et abandonné à moitié mourant dans une ruelle glauque...)


Humains stupides ! Ne savez-vous pas que les chats ont neuf vies ? Je reviendrai très vite et ma vengeance sera terrible! Je vous ferai payer au centuple ce que vous m’avez fait, foi de KITLER !


 © thomas cloué

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Léa/ Corvus Corax

Une odeur de mythes et de contes embaume les recoins de ma coquille.


Je suis Prométhée, le porteur de feu. Sous mon passage, le soleil est tombé, a embrasé l’humus.

À coups de bec, je révèle le dessous des chairs, le spectre du vivant. Je goûte le trépas, me gargarise des restes.

Je suis la sorcière dans l’attente des cercles de pierres. Je rôde entre les champs de bataille et les semis de blé.

J’envoûte ma robe noire de barbules irisées. Je me farde de chardons et de violettes, fais trébucher la couleur dans l’ombre.

Je suis le renard sous les plumes. Je travestis le son, y installe les vibrations d’un autre.

J’imite et je trompe. Je chante et j’enchante.

Je me baigne dans la fourmilière et me raille de sa terreur acide.

Je suis l’Antéchrist cloué aux portes. J’apporte la parole du matin en terre, de l’étoile en naufrage.

Je revêts les chutes de tissus dont on me pare. Couches après couches, mon sens s’épaissit et se brouille.

Je suis le médiateur et l’énigme, l’acrobate en équilibre.

Et j’ai créé la farce du monde.
http://wildearth.pictures/ravenscorvus-corax-breath-by-doug-dance/
© doug dance

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 Lei N'Karna/ Ma maman 

— Je sais pas comment vous dire docteur, je me sens… diminué. Le mal de vivre me tire les entrailles. C’est dur de trouver ma place. 
— Et si on commençait par votre enfance, dit le psychiatre, quelles sont les premières images qui vous viennent ? Parlez sans réfléchir. 
Les yeux de Saturnin glissèrent vers le tapis gris et triste parsemé de dessins tout aussi ternes. 
— Ben… quand j’ai brisé ma coquille, c’était il y a longtemps, au moins quinze jours, je me souviens pas des détails, mais j’ai ouvert les yeux. Il y avait toute cette lumière, ce bruit, et là je l’ai vu ! accroupie au-dessus de moi, m’observant. 
— C’était le fermier Saturnin, reprit le spécialiste, pour lui tu étais un parmi d’autres. 
— Non ! C’était maman ! je l’ai appelée, MAMAN ! MAMAN ! Mais elle n’en avait rien à faire de ma tronche. Elle s’est levée et elle s’est barrée. J’ai couru, je l’ai appelée, mais rien à faire. Alors, je suis rentré dans le rang, j’ai fait comme les autres. Quelquefois, j’essaie de voir si elle me regarde, mais… non, rien…
Le docteur changea de position sur son riche fauteuil, symbole de sa réussite. Il observa les yeux humides du caneton. 
— Mais, cela ne vous a pas empêché de réussir, mon garçon. Voyez votre parcours. Vous êtes un acteur reconnu, admiré par des millions d’enfants.
Saturnin resta prostré, équilibriste sur un fils. Son corps, parcouru par de légers tremblements, semblant prêt à basculer au moindre frémissement. 
— Parfois, je fais des rêves horribles, docteur. Il avait chuchoté cette phrase comme les derniers mots d’un condamné. 
— Quels rêves ? s’enquit le psychiatre. 
— Tout le monde est mort, y a du sang partout… Et moi, je suis debout, je regarde… en riant… ça m’fait peur docteur. 
— Mais non, répondit en souriant celui-ci, si tous les rêves devaient se réaliser la terre serait une foire à empoigne. Allons, vous vivez une petite période dépressive. Bientôt, il n’y paraîtra plus, vous verrez. Bon ! je vais quand même renouveler vos comprimés. Hein ? Juste pour que vous vous sentiez mieux. Vous les prenez vos cachets, dites-moi ? 
— Oui, docteur. Tout comme vous me l’avez dit. 
— Biiiien ! c’est une bonne chose. On se revoit la semaine prochaine Saturnin. Les 250 €, vous les réglez à ma secrétaire comme d’habitude. Pas de chèques bien sûr, liquide ou carte.
 — Oui, merci docteur…

http://fleurdechardon.blogspot.fr/2013/01/les-aventures-de-saturnin-il-ne-faut.html

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Christine/ Une rencontre inattendue

C'était l'été, synonyme de villégiature pour nous et pour les poules ... Et pourtant, les vacances commençaient mal : à peine arrivée, Bréchette s'était enfuie. Nous apprîmes plus tard qu'elle avait été recueillie puis, suite à un malheureux enchaînement de circonstances, emportée par un renard.

Deux jours après, toujours attristée par cette disparition, j'avais entrepris une petite promenade en direction des fermes dominant le coteau ensoleillé.

Brave petite Bréchette, rescapée d'un élevage en batterie, si vive, son maigre cou déplumé, et ce curieux bec ébréché qui lui avait valu son nom. Lorsqu'elle buvait, elle émettait un sifflement ...Le destin ne nous avait pas laissé le temps de tisser les liens que je pressentais …

J'en étais là de mes pensées, lorsque mon regard fut attiré par un petit dôme vernissé, couchant les herbes sur son passage. Mais ?!? Je n'en croyais pas mes yeux ! C'était ...

... UNE TORTUE, UNE TORTUE !!! Cher lecteur, le taux de probabilité de trouver un chélonien en train de déambuler dans une prairie vosgienne est infime ! Mais le plus extraordinaire dans cette rencontre fortuite, était que ce fut tombé sur moi, et non pas sur un promeneur lambda.

En effet, des décennies avant d'attraper le virus récent de la poulomanie - j'étais alors à l'école primaire - subitement, je me pris d’une véritable et indéfectible passion pour les tortues. Il était alors facile de s'en procurer : j'en eus plusieurs, terrestres et aquatiques, qui occupaient une grande partie de mes loisirs et peuplaient mes rêves.  J'étais fascinée par leur grande famille et recopiais des pages entières dans les ouvrages scientifiques. Mes proches m’offraient de petites tortues-objets pour ma collection.

Autrement dit, le face à face avec cette tortue me projetait des années en arrière : je me retrouvais tout à coup dans la peau de la fillette tranquille, passant des heures à chouchouter et surveiller son animal favori.
 

Je la saisis doucement, sachant qu'elle allait résister : pas possible de caresser son cou, elle souffla bruyamment et rentra sa petite tête serpentine dans sa carapace. Un rapide examen sous son ventre me permit d'identifier une femelle ! Depuis combien de temps n'avais-je pas tenu un si beau spécimen de Testudo graeca entre mes mains ?

C'était  extraordinaire ! Je venais de perdre une poule, et une tortue me revenait !

  © christine camara

À quelques détails près, cette histoire est véridique.

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Joëlle/ Mon rêve de cette nuit 

Et voilà ces chiens devant ma porte que j'ai ouverte.
Je sais que je rêve, mais quand même,
ça m'étonne de voir ce groupe canins,
comme un tableau qui bouge, devant mes yeux.
Haletants, en attente de je ne sais quoi.

Que me veulent-ils ??

Je les scrute. J'aime bien celui avec son air joyeux et impatient qui semble attendre que je l'emmène en balade. 
Le fougueux près de lui m'inspire moins confiance... me fait penser à la maladresse et àl l'exubérance d'un grand dalmatien que j'ai connu, qui cassait tout sur son passage.
Le plus gros d'entre les chiens du groupe m'agace. Monsieur je-sais-tout, avec un air condescendant :  

"Ah ma poule, tu vois, je t'explique la vie."  

Pour couronner le tout un petit bulldogue est sorti du groupe pour venir rebondir et sauter, toujours plus haut, jusqu'à mon bras, et il s'y agrippe avec ses crocs ! 
Je réussis à le décoller en lui donnant un coup de poing ! 
Pourtant ça ne l'arrête pas, et il recommence à prendre mon bras pour un arbre de secours.

C'est quoi ce rêve, c'est quoi ces chiens ?


© joëlle ehrat

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Pendant un mois, Le Horlart a eu la chance de recevoir des textes variés émanant d'auteurs-et d'auteures qui ont su montrer au fil des exercices, le plaisir d'écrire, l'audace de se livrer et la curiosité pour des expressions artistiques différentes de la leur. 

Cette aventure littéraire - telle qu'elle a été suivie et présentée - se termine aujourd'hui ; mais je souhaite vivement qu'elle continue de vous inspirer. Je vous invite donc à revivre les belles heures de cette expérience. Pour lire et relire les textes précédents, c'est ici

Pour découvrir ou redécouvrir le cadre de ce premier atelier à distance encadré par Ema Dée et porté par Christine, Joëlle, Léa, Lei N'Karna et Thomas, ce sera aussi par

Merci pour votre curiosité !

(1) Oeuvres, coll. Bouquins, éd. Robert Laffont, 2006 
(2) Lettres de mon moulin, éd. Livre de poche, 1986 

© thomas cloué  © léa gagnon © lei n'karna © christine camara © joëlle ehrat © ema dée

dimanche 17 décembre 2017

Dans la peau d'un animal... pour l'Atelier d'écriture Animaux en folie/ Un mois entre nous

Fidèles lectrices et passionnés lecteurs, avides de mots et d'images !

L'atelier d'écriture en ligne expérimental baptisé Animaux en folie/ Un mois entre nous entre dans sa dernière semaine.

L'objectif principal de l'atelier ?  Faire écrire celles et ceux qui en ont l'envie - et le temps ! - autour d'un thème, grâce à une incitation différente chaque semaine. Tous les styles et genres de texte sont acceptés. Les productions textuelles - singulières et personnelles - ne peuvent pas excéder les 400 mots et sont publiées sur ce blog. Les objectifs sous-entendus ? Donner l'opportunité à chacun-e - à son rythme et chez soi pour le moment - de laisser sa créativité s'exprimer, de progresser grâce à une pratique régulière et de se ménager une pause littéraire dans le tumulte des fêtes de fin d'année - on en a bien besoin !

© Alain Chabat est Didier (1997)

Je rappelle l'incitation de la semaine écoulée : L'effet kafka ou le réalisme magique
"Vous vous réveillez dans le corps/ l'esprit de votre/ un animal. Racontez cette formidable expérience !"

Cette proposition s'intéresse au décentrement : chacun-e est invité/e à parler de lui/d'elle en changeant de perspective, de point de vue, en s'imaginant dans le corps/ l'esprit d'un animal et en laissant la magie et le fantastique opérer. Les participants-tes de l'atelier proposent ici quatre parcours de vie : Lei N'karna, projeté sur la banquise, fait l'expérience chaleureuse du groupe ;  Joëlle découvre les délices de la force, de la grandeur et de la liberté ; pour les besoins de l'exercice - Thomas nourrit de bien succulentes ambitions ; enfin, Christine n'obéissant qu'à ses nouveaux instincts, se révèle agile et surtout, gloutonne !

Bonne lecture... 

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Lei N'karna/ Blizzard

https://www.sblanc.com/phototheque-polaire/photos-dantarctique/photos-de-manchot-empereur/
 
Je m’en fous, je pousse, je bouscule, j’écrase un pied puis un autre, peu m’importe, j’avance.
Je lève la tête, jette un œil.
La masse de corps est de plus en plus dense, c’est bon signe.
Je sens toujours la morsure du froid sur ma nuque. Encore un effort.
Le bruit du vent qui fouette au-dessus de nos têtes provoque en moi un frisson.
Je me recroqueville, je me glisse sous le ventre d’un ancien. Il ouvre un peu les yeux, pousse un râle discret et retourne à ses rêveries.
Voilà, j’y suis.
Ici règne une forme de douceur qui me convient.
Je ne suis pas au centre de l’amas, mais au moins je n’ai pas les griffes de l’Antarctique qui me cinglent le dos et me tirent des larmes.
Le lent ballottement des corps qui se répondent m’hypnotise.
Mes yeux se ferment, je me laisse aller.
Le duvet de mes compagnons manchots reste doux et soyeux.
C’est réconfortant.
J’emmagasine de la chaleur.
Encore un peu.
Ensuite, je partagerai.

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Joëlle


 © joëlle ehrat

Wow ! Quelle sensation forte d'être dans cette peau ...de gorille !
Enfin libre dans mon corps ! Libre de bouger, respirer, sauter, hurler avec une grosse 
voix !
Sentir toutes les sensations de l'air sur ma peau couverte de fourrure, me rouler dans les hautes herbes, humer l'humus de cette immense forêt primaire.
Tous mes sens sont éveillés, j'entends très loin les cris de mes congénères débattre, mais aussi les battements d'ailes des oiseaux tout proches.
Une cascade pas très loin se mêle aux voix des oiseaux tropicaux.
Je me sens au début du monde.

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Thomas/ Dans la peau d'un...

Les pattes un peu engourdies, les yeux hagards et un gros creux dans le ventre, je me réveille doucement de mes vingt heures de sommeil quotidiennes. 


Bien accroché à ma branche, j’écarte tout doucement mes doigts et allonge mon bras, pour saisir  délicatement celles que j’avais repérées hier avant de m’effondrer de fatigue : des feuilles d'eucalyptus. Résolu, je m'en délecte en les mâchouillant consciencieusement non sans avoir préalablement humé leur parfum si enivrant ; elles sont délicieuses. De déglutition en défécation, il me faudra pas loin de deux heures pour toutes les engloutir. Une fois repus, il est temps pour moi de redescendre de cet arbre pour trouver un nouveau coin qui m’assurera un nouveau festin. Ça tombe bien, à 50 mètres, un magnifique Corymbia agite ses branches comme une invitation à venir me réfugier dedans. Décidé je me meus tranquillement vers ce nouveau garde-manger qui me garantira, je le pense, trois jours de provision. D’un bond, me voici les griffes plantées dans son tronc, prêt à tenter mon ascension. Prudemment, une patte après l’autre je grimpe d’environ trois mètres, avant de finir par m’endormir à mi-chemin de mon objectif.



Les pattes un peu engourdies, les yeux hagards et un gros creux dans le ventre, je me réveille doucement de mes vingt heures de sommeil quotidiennes…

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Christine

© christine camara d'après G. Manzana - Pissaro 

Paupières closes encore, je m'éveille lentement, cherchant à prolonger ce moment de douce torpeur dans la tiédeur du duvet ... Le réveil n'a pas sonné, mais cela m'indiffère. Ce que je devine autour de moi est différent de d'habitude. C'est comme si je n'étais pas dans ma chambre. Oui, je suis quelque part ailleurs, une odeur de sciure fraîche et  de foin vient chatouiller mes narines. Je réfléchis ... Je revois le visage souriant de Bakary hier soir, ses petites scarifications sur les pommettes, j'entends sa belle voix grave me conter des récits à dormir debout, à propos de morts qui marchent sur la tête et d'hommes qui mangent des têtes de chat pour devenir invisibles. Nous avions beaucoup bu. A un moment il avait sorti de sa poche une petite fiole bleue.

En fait, je ne suis pas couchée : je sens, sous la plante de mes pieds, une poutre. Je suis en équilibre sur une poutre, dans une espèce de chalet, sans aucune sensation de vertige, moi qui ai toujours détesté  les agrès pendant les cours de gymnastique !

Mon estomac crie famine. Blé, maïs, tournesol, une envie irrépressible de casser la graine s'empare de moi ...

On me pousse, il me faut jouer des coudes, je ne suis pas isolée, mais prise en sandwich entre une voisine aux rondeurs confortables,  en pyjama de pilou moucheté, et une autre plus petite, qui a la bougeotte.

ON A FAIM, ON A FAIM ! braillent-elles. 

 J'ai des crampes dans les jambes, envie de sortir de cette cabane, mes voisines bruyantes m'agacent. 

ON A FAIM, ON A FAIM, LA "SANS- PLUMES" VA VENIR !

Je distingue un cliquetis de clefs, puis des pas qui se rapprochent.

C'EST LE "SANS-PLUMES", dit la voix à ma gauche, ALLEZ, ALLEZ, VITE, VITE !

 La porte à glissière coulisse, laissant entrer la lumière du jour. Me voilà propulsée à l'extérieur, dégringolant  la rampe d'accès pour atterrir pieds nus dans la gadoue : peu importe, j'ai faim !

Une main géante dépose des barquettes  et y vide une odorante pâtée au riz. La faim se fait impérieuse. Je me rue sur les gamelles, mes voisines me bousculent.

Hé, ce n'est pas le jeu des assiettes musicales, il y en aura pour tout le monde ! Je n'arrive pas à parler, les mots ont du mal à sortir de mon gosier : COT, COOT, COOT !

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Les textes et les images vous ont plu ? Et si vous rejoigniez notre groupe et planchiez à votre tour sur le sujet ? Retrouvez toutes les informations concernant cette expérience d'écriture ici.

Au fait, trois semaines de création littéraire sont déjà passées, prenez le temps de lire ce qui a déjà été publié, c'est par là.

Pour toute question ou pour m'envoyer votre texte (et votre image) :
ema.dee.creations@gmail.com  

Merci de votre curiosité.

Hâte de vous découvrir, de vous faire découvrir et de vous publier !  

© lei n'karna © joëlle ehrat © thomas cloué © christine camara © ema dée